Disparue, un solo pour vingt-et-un danseurs

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Transformer un solo en pièce collective pour vingt-et-un danseurs, c'est le défi que s'est lancé Marcela Santander, artiste associée au Quartz, lors de la semaine de stage Au Bout du Bout organisé face à la mer à Porspoder du 4 au 8 juillet 2016. La danseuse d'origine chilienne a offert Disparue, pièce présentée lors du dernier festival Dañsfabrik à Brest en mars dernier, à un groupe composé de danseurs professionnels, d'élèves du conservatoire mais aussi d'amateurs et de novices.

Généreuse et sans filtre, elle a transmis avec énergie le fruit d'un « voyage très personnel et solitaire » autour de la posture accroupie, quasiment oubliée en Occident et pourtant toujours vivace en Asie ou en Amérique Latine. Ce solo est un voyage entre les cultures : la civilisation précolombienne d'abord, puisqu'un pan de la création est l'interprétation dans le corps de statues traditionnelles, mais aussi le monde de la nuit car Disparue emprunte aussi au voguing, danse urbaine qui redécouvre la station près du sol. Disparue a aussi amené Marcela Santander jusqu'au Japon, sur les traces de Yoko Ashikawa, danseuse fétiche de Tatsumi Hijikata, créateur du Butô.

 

Chronique illustrée de notes graphiques prises par Youen Siche-Jouan pendant la restitution de l'atelier 

 

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Statues mouvantes

La vieille assise en tailleur cage thoracique affaissée, la bêtise qui rit les yeux mi-clos en n'agitant que les doigts et les orteils en appui sur les ischions, l'accouchement jambes ouvertes et le regard vers le ciel, le guerrier prognathe sur quatre appuis… La trentenaire a transmis avec précision vingt-quatre postures issues des statuettes, partagé son imaginaire et détaillé le chemin des transitions de l'une à l'autre.

En « trouvant les mots et les outils », elle a donné les clés de sa création, qu'elle connaît « par cœur de l'intérieur » jusqu'à ce que « le groupe s'émancipe de celui qui lui a appris, c'était très beau », constate-t-elle.

« Elle a amené la création d'une manière assez simple et pédagogique, j'ai le sentiment qu'elle n'a pas mis de frein et a tout transmis, qu'elle n'a rien gardé pour elle », apprécie Rozenn Dubreuil, danseuse fondatrice de l'association Les Pieds Nus à Brest. Avec Guiomar Campos, professeur de danse à l'Articoche à Porspoder, elle a monté ce projet afin de « permettre aux habitants du Pays d’Iroise, d’avoir accès à des propositions artistiques novatrices et de qualité, et d’impulser une activité autour de la danse contemporaine en dehors des lieux habituels », justifient les organisatrices qui menaient les échauffements tous les matins de la semaine.

Petit à petit, le groupe s'est approprié la matière proposée. Kevin Chappe, comédien de 31 ans, s'est pris au jeu. « Avec la répétition des positions toute la semaine on les ressentait vraiment physiquement et à force on peut s'amuser avec les statues, travailler la transition, chercher comment on amène la prochaine par la langue, par les yeux ou le corps ; le parcours c'est ce qui est important ».

Stylo noir, feutre rouge et crayons à papier à la main, le graphiste brestois Youen Siche-Jouan est venu croquer les danseurs, couchant sur le papier les statues mouvantes de la vahiné, du sage ou de celui qui pleure :

Le résultat était très graphique, les gens bougeaient de façon très claire avec des mouvements très forts, il y avait un vocabulaire de mouvements très affirmé.

 

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Trois pièces pour vingt-et-un danseurs

Au-delà des postures, Marcela Santander a proposé un travail sur le voguing et sur les déplacements. Répartis en trois groupes de sept, les danseurs ont créé trois interprétations distinctes, trois articulations différentes, et même trois environnements sonores puisqu'à l'issue d'un travail d'écriture, ils ont enregistré des mots, pulsations et bourdons avec Maya Garcia, musicien accompagnant Marcela Santander pour les ateliers.

En devenant spectatrice de sa propre création, la Chilienne a redécouvert son travail : « Le groupe a offert beaucoup plus de possibilités de jouer avec l'espace, il a permis des choses que je ne pouvais pas faire seule ». Lors de la représentation en fin de semaine, les trois pièces d'environ quinze minutes ont été jouées selon différentes faces de la salle Herri Léon, le public étant ainsi amené à se déplacer d'un groupe à l'autre avant un grand voguing final autour du public. « Ce n'était pas prévu au début de la semaine mais finalement ce moment de fête collective était si joyeux que nous avons décidé de le mettre à la fin, c'était hyper puissant », sourit Marcela Santander.

Résultat après cette première transmission de Disparue, la chorégraphe souhaite la transmettre à un nouveau groupe et a « très envie de rejouer la pièce, différemment après cette semaine ». Le solo devrait être prochainement programmé à Paris, voire à Porspoder, et la danseuse reste associée au Quartz pour une dernière année. À la prochaine édition de Dañsfabrik, elle proposera un focus sur le Chili et interprétera L'Oeil, la Bouche et le Reste, une création en cours avec Volmir Cordeiro, une pièce collective cette fois.


 

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