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Du 24 au 27 mai 2016, Yeung Faï a représenté au Quartz son spectacle TeaHouse, mis en scène par Grégoire Callies et scénographié par Jean-Baptiste Manessier. Un marionnettiste traverse trois moments de l’histoire chinoise : la Chine traditionnelle, la Chine communiste en guerre contre la Corée du Sud, et la Chine actuelle, sous l’emprise capitaliste. Ce spectacle donne donc à admirer l’extraordinaire dextérité du maître de la marionnette à gaine chinoise, mais aussi à entendre le propos d’un artiste libre.

  

L’art de la marionnette est pratiqué dans votre famille depuis plusieurs générations. Comment vous-même l’avez-vous appris ?

J’ai participé à mon premier spectacle dès l’âge de quatre ans, puis à six ans, j’ai joué un spectacle par moi-même. À quatorze ans, j’ai été admis au Fujian Art Vocational College.

C’est votre père qui vous y a initié ?

J’ai surtout travaillé avec mon frère car mon père est très occupé, il est souvent en mission. Nous sommes trois frères à travailler dans ce domaine : mon frère aîné Yang Yazhou, est sculpteur de marionnettes. Mon second frère, Yang Feng, est vice-président d'une association de marionnettes en Chine. C’est avec lui que j’ai appris la marionnette à gaine.

La première partie relève du registre vaudeville : pourquoi ?

Je voulais ancrer mon spectacle dans la véritable histoire : dans le sud de la Chine, à côté de Taïwan, dans la province de Fujian, c’est une habitude traditionnelle pour les hommes de passer du temps dans les Tea Houses. Mais la guerre change tout.

Quelle est la place de la tradition chinoise dans ce spectacle ?

J’aimerais trouver un équilibre entre la culture traditionnelle et contemporaine chinoise.  Ma ville d’origine est ancienne, c’est un lieu de réflexion sur la philosophie de l’art. Le spectacle de marionnettes est plutôt un art traditionnel mais je cherche à y ajouter des idées contemporaines.

Pourquoi avoir parlé de la guerre ?

Pour la dénoncer ! La musique y participe : c’est le travail de Thomas Demay.

Est-ce vous qui fabriquez vos marionnettes ?

J’en fabrique une partie mais la plus grande est réalisée par mes étudiants, car j’enseigne notamment à l’École nationale supérieure des arts de la marionnette à Charleville-Mézières, et par mon frère aîné, Yang Yazhou.

Tea House est un spectacle très politique : pourriez-vous le jouer en Chine ?

Chen Ran, un journaliste de Pékin qui travaille pour un journal connu, Xin Jing Bao, m’a dit que, maintenant, il commençait à y avoir des spectacles légèrement critiques.

Pour moi, c’est un spectacle sans frontière – marionnettiste, c’est ma nationalité !

Pourquoi avez-vous quitté la Chine ?

Avant de partir de Chine, j’avais deux missions, j’étais professeur dans une école d’art et je travaillais dans une troupe de théâtre. Mais je n’étais pas comme les autres, j’ai les cheveux longs... Le responsable n’était pas très satisfait, j’ai donc démissionné, et j’ai été remplacé par un membre de sa famille.

J’ai quitté la Chine avec mon frère, qui est parti aux États-Unis, pour raisons politiques. Ce n’est pas le problème du gouvernement, mais des fonctionnaires.

La situation de la Chine ne me convient pas. En Chine, si quelqu’un veut être artiste, il faut être fonctionnaire, mais je n’aime pas du tout les fonctionnaires, j’aime la liberté de création.

 

Pour en savoir plus : le documentaire de Christian Passuello, Yeung Faï, un dernier maître de marionnettes

 

http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/47155_1

 

Propos recueillis par Natalia Leclerc et Blanc d’oeuf, qui remercient Xia Ye pour la traduction et l’interprétariat.

 

 

 

About the Author

Notre agrégée de lettres passe en revue tous les articles, les relit, les corrige. Elle écrit pour différentes revues des articles de recherche en littérature et sciences humaines et s’appuie également sur ses multiples casquettes pour développer les partenariats du Poulailler, en russe, en français, en italien… Natalia pratique le théâtre amateur et bavarde à longueur de journée (en russe, en français, en italien…).

 

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