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Mocke : jazz, avant-garde, folk imaginaire… Un précipité d’expression sonore aux limites du connu. C’était vendredi 17 novembre à Brest, au Petit théâtre du Quartz pour le festival Invisible. 

Forêt de propositions, le programme du festival Invisible recèle chaque année des cailloux prêts à être soulevés, comme autant de surprises ou d’invitations à la découverte. La description de Mocke et le caractère intimiste de son concert, prévu au Petit théâtre du Quartz, ont retenu ma première attention. Suivant  le mode opératoire du chercheur cueilleur moderne, j’ai trouvé la musique du guitariste sur la page web de son label Objet Disque.

Quelques jours plus tard, c’était au tour du journaliste Jacques Denis d’aiguiser ma curiosité sur son blog superflyrecords.com, avec une tribune spéciale consacrée à Mocke, avec cinq de ses morceaux favoris : « Bien qu’il soit connu depuis un certain temps de la scène pop française, le guitariste n’en est pas moins ouvert au monde des musiques. Ecoutez seulement l’album qu’il a fait sous son nom, les instru qui évoquent d’autres climats, entre les improvisations expérimentales et les tentations du folk mondial. » Et pour cause, le top 5 en dit long sur son goût des mélodies sombres et chantantes, entre  Jimmy Giuffre, Milton Nascimento & La Borges, Eduardo Mateo, Kathleen Ferrier (Le Chant de la Terre, de Malher) et Sonny Sharrock.

© Yves de Orestis

Vendredi 17 novembre – Petit théâtre du Quartz – 19h30 : un horaire difficile pour une première soirée de weekend aux antipodes de tout (tropical & polaire à la fois), quand la ville presque entière vibre aux premières gorgées de bière annonçant la fin d’une dure semaine de travail ou de désespoir précaire (c’est au choix, comme les antipodes). Nous étions donc là, public mélangé, intergénérationnel et quasi mixte (même !).

Un théâtre aux deux tiers rempli, impatient d’entendre le trio devenu duo de guitares, en l’absence du batteur Ben McDonnell. Les deux hommes sont arrivés rapidement, Rémy Poncet (aka Chevalrex, également programmé en solo le samedi midi à Bad Seeds et cofondateur du label Objet Disque) et Mocke, l’un brun en jean et basket, l’autre blond en veste et chaussures habillées. Aux brèves salutations a suivi le début d’un concert magique dans un univers aquatique. Etait-ce le bleu électrique des lumières de la salle ou le bleu ciel de la guitare de Mocke ? Quelque chose de féérique s’est passé ce soir là à Brest.

Retour sur une bande son 

Mocke est compositeur et chanteur, ça s’entend dans sa façon d’arranger les motifs entre eux. Pendant que Rémy Poncet joue des boucles rythmiques pesées, il appuie chaque note avec une intensité folle. Les phrases à tiroir voyagent aisément sur les riffs que Poncet tient comme un homme à la barre. Mais ce qui peut paraître facile et sorti d’une simple boîte à musique, devient dans la durée un assemblage plus complexe. D’un bout à l’autre, on nous raconte une histoire avec des langues différentes. Il y a un côté bancal dans ces associations et les morceaux ont des allures de spirale. Pour parvenir à ce niveau de jeu, je me dis qu’il faut une grande maîtrise : savoir jouer avec les accidents, donner l’impression que les choses surgissent comme par magie et alors donner aux mélodies des formats inhabituels.

« Quel boulot difficile on fait tous les deux », lâche Mocke à la moitié du concert avec un sourire discret évoquant la joie d’être ensemble. Ce musicien est un adepte de l’onde, un passager (transmetteur) de la lumière. Il y a d’ailleurs un réel sens de la transe dans ses improvisations, dans son jeu. Un appétit pour les phénomènes physiques, le rapport au temps. Tous les deux sont assis, presque courbés sur leur instrument et chaque mouvement est pleinement ressenti – joué.

On les voit se laisser aller dans la musique, dans la vibration des cordes. Les techniques de grattage, de picotement et la finesse d’exécution des phrases sont très justes, toujours à propos. Mocke tricote sur les cordes d’un instrument devenu harpe ou koto ou celui qu’il vous plaira d’imaginer.

© Yves de Orestis

Il y a aussi l’esprit du blues et de la pop entremêlés dans ce concert. Les deux musiciens explorent, ralentissent, brouillent les pistes. Je suis pendue à leurs doigts car tout se joue à la croisée de cette phrase précise, moment surprenant où la mélodie semble dévier d’un monde à l’autre, les sons alors sont devenus des mots. Et je repense à cette phrase de Bertrand Belin extraite du livret de présentation du concert : « ses compositions nous donnent à entendre ce à quoi ressemblerait la musique si les choses avaient tourné autrement. »

À écouter : Saint-Homard, MOCKE (2016) https://objetdisque.bandcamp.com/album/mocke-st-homard-disque015

Les photos qui illustrent cette chronique sont signées Yves de Orestis : www.yvesdeorestis.fr

About the Author

Formée aux pratiques de médiation culturelle, Cécile travaille depuis dix ans dans le milieu culturel et associatif (scènes jazz & musiques populaires, labels, café-concert). De Marseille, Paris et du centre Bretagne, elle a enregistré des sons et créé un module radiophonique : Les Instantanés. La musique, ou plutôt la vie, passe par l’écriture : poèmes, chansons, communiqués, éditos. Mais aussi par le faire écrire, à travers l’animation d’ateliers d’écriture et les projets collectifs, dont un nouveau duo avec Pol Jézéquel (guitares & poésie). Aujourd’hui brestoise, elle a rejoint Le Poulailler pour répondre à l’appel de nouvelles plumes. Chroniques, récits d’expérience…

 

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