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Dans le cadre du pique-Nique du Foirail, le samedi 6 août 2016, Charlie Windelschmidt présentait le Kabarê Solex. Durant plus de deux heures, dans une atmosphère particulièrement amicale, l’artiste a accepté de nous recevoir afin d’expliciter sa conception du théâtre à partir de l’analyse de sa pièce.

Des choses ont changé depuis Le Kabarê Solex de l’année dernière. La première présentation était faite à l’intérieur, la dernière dans la rue. Lisa Lacombe faisait partie du projet, elle a laissé sa place à Anne-Sophie Erhel. Le texte a évolué, contrairement à celui d'une pièce de théâtre classique. Ici, vous avez recréé autre chose. La bande-son et les interventions sont différentes. Dans quelle mesure avez-vous modifié ce rôle ?

On peut déjà dire que c’est la qualité du travail d’Anne-Sophie qui a permis cela. C’est une actrice exceptionnelle. Ensuite, je suis ma logique: je travaille avec une artiste, donc je lui propose de réinventer cette place. On a changé des choses, selon son choix ou le mien. Elle a repris le rôle en dix jours et a fait une sélection de textes parmi quelques auteurs proposés. Nous n’avons pas modifié le cadre général de son personnage inventé par Lisa Lacombe. Enfin, il s’agit de faire, refaire, préciser des choses. C’est du travail et du temps. Quant au lieu de la représentation, le spectacle peut se jouer dedans ou dehors sans problème. Des points techniques relatifs au cadre extérieur comme la météo ou les bruits ont changé, c’est tout. Ce n’est pas le discours sur l’espace public, la rue, etc. Dans ce contexte, cela n'a pas de sens. C’est un spectacle qui se pose dans un endroit où on bloque la rue pour ne pas que les voitures passent à côté, où on met des gradins avec des gens assis devant. On est dehors, mais on n’est pas « dans la rue ». A ciel ouvert ! Le seul réel changement entre la première et la dernière, c’est que le spectacle dure vingt minutes de moins.

La première fois que j’avais vu cette pièce, je trouvais qu’il était difficile de voir  l’unité de sens qui liait toutes les scènes. Je ne fais pas référence à un sens donné par un schéma narratif mais plutôt à des conditions de possibilité pour qu’il y ait questionnement, comme un esprit de cohérence, une continuité ; ce qui fait que la pièce est une unité qui se divise en de multiples scènes. Si j’avais des difficultés à voir cette unité lors de la première, cette fois-ci, j’ai vu le garage du début jusqu’à la fin. Du côté des artistes, avez-vous vécu cette évolution du sens? 

Tout à fait, mais ce n’est pas une évolution du sens, parce qu’il a toujours été là: il s'agit davantage d’une épuration due aux multiples représentations. Tout est écrit, jusqu'à la moindre clé à molette qui tombe. On ne s’en rend pas compte parce que le garage fait très « bordélique », mais tout est très écrit. Et pourtant on peut avoir une sensation de chaos. L’autre chose fondamentale, c’est le choix de départ. Je me suis rendu compte qu’avec ce décor, qui impressionne les spectateurs, ces derniers se mettaient dans une disposition théâtrale sérieuse, que je ne souhaitais absolument pas. On a fini par trouver comment contourner le problème. Les personnages sont désormais là une demie-heure avant et tapent la discute avec le public. En salle, au début, je disais : « top, on fait rentrer le public ». Et quand le public arrivait, ils étaient déjà sur scène en train de se parler. Mais parce qu'ils étaient sur scène, le début, à mon sens, ne fonctionnait pas. 

Avez-vous conscientisé l’unité du garage comme soubassement de la pièce ? Pourquoi un garage ?

Tout de suite. Toutes les scènes se sont toujours passées dans un garage pour moi-même et chacun des comédiens. Le garage est pour moi un lieu en voie de disparition. D’où l’aspect « rétro ». Aujourd’hui il est plus rare de voir des garagistes avec du cambouis sur les doigts. Ils branchent des ordis pour réparer les voitures. Notre génération aura vu plusieurs mondes disparaître. Les époques du rock, des cassettes VHS, etc… sont des mondes qui disparaissent. Dans ce garage, ce sont des gens qui sont coincés entre deux mondes. Ils sont écrasés, ils ne savent pas comment faire. C’est leur chaos. Ils ne savent pas ce qu’ils vont faire mais ils vont le faire, parce qu’il faut bien manger et continuer à être là.

Le son semble beaucoup plus présent cette fois-ci. Dans quelle mesure la musique est-elle importante pour vous ? Dit-elle ou veut-elle dire quelque chose ? Qu’apporte-t-elle à ce garage ? Ou bien est-elle là uniquement pour le divertissement ?

La musique me permet de mettre le sens à distance. Elle porte en elle l’idée d’un aller-retour du sens, d’une respiration. La bande-sonore d’Alain-Michel Pennec donne l’impression qu’on peut se détendre, qu’on n’est pas dans un rapport direct à la compréhension. Il y a quelque chose dans la musique qui va droit au coeur. 

Mais il y a aussi des chansons, comme Emmène-moi danser, de Michèle Torr et La fille du père Noël de Jacques Dutronc. Et dans les chansons, il y a du sens.

Pour les chansons, c’est effectivement l’idée du texte qui est mis en exergue, de la traversée des époques, de la conscience du temps. Ces chansons à une époque étaient chantées comme des tubes et on ne se souciait pas vraiment de ce qu’ils racontaient. Nous, nous rafraîchissons la mémoire et faisons de nouveau entendre ces chansons qu’on a dans l’oreille depuis des années et ainsi, tout le monde se dit: « mon Dieu quelle horreur ! ».

Pourquoi montrer des horreurs ? 

Pour ne pas gober sans penser. Par le décalage, le spectateur est presque obligé de saisir la distance critique. La manière de mettre en scène est tout le temps critique. Il en va de même pour le jeu de lumières. Il est très kitsch. Dans ce spectacle, je pars du principe qu’il faut que ce soit trop pour que ce soit drôle. Certains me prennent évidemment au premier degré, mais c’est loin d’être la majorité.

Vous soulevez ici la question du mode de réception du spectateur. On pourrait distinguer deux sortes de réception: une réception sur le mode de la conférence, ou de la rencontre politique, ou l’inverse, sur le mode du divertissement. Par exemple, une scène présente un texte très marqué politiquement sur le travail, et une autre présente Kilian, un cascadeur, costume dirigé par plusieurs comédiens sur fond de musique hard rock. Avez-vous essayé dans cette pièce de trouver un compromis entre conférence et divertissement ? Je pensais à un reproche adressé dans « Un trou dans la ville », lorsqu’on vous disait que c’était trop abstrait ou trop intellectuel. Avez-vous essayé d’éviter cet aspect ?

Je n’ai pas tenté de l’éviter. J’ai plutôt essayé de faire en sorte qu’on ne vienne pas se poser cette question-là. La question de l’abstraction est une mauvaise question qu’on se pose : on fait d'ailleurs difficilement plus concret qu’"Un trou dans la ville". C’est davantage aux habitudes et aux attentes du spectateur qu’on est confronté. Les gens viennent parfois me voir en me disant qu’ils n’ont rien compris. Je me souviens avoir écrit une fois dans un programme de spectacle: « il n’apprend rien celui qui comprend tout ». Si on prétend tout le temps tout comprendre, on ne va pas apprendre grand chose. On apprend à partir du moment où on se tait, où on se questionne, où on doute. Dire « c’était nul parce que je n'ai rien compris », c’est me dire « tu ne m’as pas expliqué ce qu’il fallait que je comprenne ». Ma réponse est toujours la même: « donc tu m’as pris pour un gourou, ce que je ne suis pas. Moi je te laisse ta place de spectateur, je te propose des indices pour fabriquer ton poème ».

Cela fait penser à Derrida qui pose précisément la question de savoir ce qui vient avant la question. 

C’est exactement cela. Je ne suis pas tant confronté à ce que je fais, je suis plutôt confronté à ce que le spectateur a dans la tête avant de venir voir mon spectacle. J’essaie de faire en sorte qu’il n’en vienne pas à se poser des questions comme celle de l’abstraction, en proposant un premier niveau de lecture qui doit permettre de ne pas se retrouver dans l’impasse. Si on se rapproche maintenant d’un cas plus particulier que la lecture globale de la pièce, et que je doive donner un exemple d’une question que je ne veux pas qu’on se pose, ou d’un constat que je ne veux pas qu’on fasse, je prendrais celui de la culotte d’une comédienne que l’on voit à un moment dans la pièce. La première réaction (des comédiens) était le désaccord face à une telle exposition, supposant que la réaction du public serait de voir une culotte, comme si on était dans la rue. Ce problème ne s’est rapidement plus posé car la culotte que le spectateur voit prend un sens totalement différent avec le déclenchement sonore simultané du prêche d’un curé. Ainsi, personne ne se dit « super ! On voit une culotte ». 

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Vous évoquez des niveaux de lecture. Le premier niveau serait la distraction avec la possibilité que l'oeuvre plaise, et le second niveau ouvrirait la possibilité d’une lecture réellement critique ?

Oui. C’est aussi une histoire d’indices que tu déposes, comme une enquête sur le sens que tu proposes au spectateur. À partir de ces indices, les spectateurs se constituent un petit poème ou tableau. On oscille entre ce que l’on retrouve, reconnaît, et ce que l’on découvre. Dans mes spectacles, le spectateur ne doit cesser de slalomer. J’essaie d’affiner toujours plus ce processus. Le spectateur ne doit ni tout découvrir, ni tout déjà connaître. Je propose en conséquence ce parcours un peu athlétique pour ne pas les perdre. Mes spectacles peuvent paraître débiles, mais ils doivent donner la conviction intime que ce qui a été dit sous le jour de la légèreté n’est pas vraiment ce qu’on a voulu dire. Pour moi, c’est fondamental.

Quel apparaître souhaitez-vous pour la conscience du spectateur ? Un divertissement brutal ?

Pourquoi le théâtre devrait-il se situer en dehors de la vie ? Il doit être violent au même titre qu'elle: pas physiquement, pas gratuitement, certes, mais il doit être difficile. Difficile, mais pas totalement. Cela me fait penser à une phrase de Céline: « si la vie est une chose agréable, alors allons-y pour l’amour ! » Il y a des gens qui pensent que la vie c’est agréable. Je ne la trouve pas agréable, je la trouve fatigante et violente. Vivre dans la société, dans le monde, c'est violent. Naître c’est violent. Nous sommes nés à notre insu, et nous devons faire avec. C’est violent, car je n’ai pas choisi de naître. Cette violence-là tu peux l’exprimer en tapant sur un masque de lapin en plastique, par exemple. Je me rappelle avoir dit à Anne-Sophie Erhel dans les répétitions: « non c’est trop doux. Il faut que le masque éclate ». Parfois, et c'est encore mieux, des bouts de masque volent. Et si ce n’est pas violent, ça ne dit rien. La violence que j’évoque ici est celle du fort sur le faible, de celui qui est en haut sur celui qui est en bas. De celui qui a la parole sur celui qui ne l’a pas. Les vrais pauvres sont pour moi les exclus de la parole. Mais l’ambiguïté, le questionnement ne s’arrête jamais: il s’agit d’un personnage (persona, en latin, c’est le masque) qui tape sur un personnage qui est lui-même masqué. Sur qui tape-t-il ? Il ne tape pas sur le personnage, mais il ne tape pas non plus sur un lapin. Par ailleurs, la scène s’achève par la réplique: « eh oh c’est pas le carnaval ! Allez hop, au boulot ». Il y a l’idée que ces séquences sont des séquences rêvées ou imaginées par les figures, qu’elles ne sont jamais vraiment vécues. Elles n’en sont pas moins réellement présentes dans la pièce. Je m’amuse avec cette idée de la fiction et du réel. J’aime dire que la réalité est une fiction comme une autre et que le réel est une chose sur laquelle on a une parfaite influence. Le réel, on le construit. C’est un discours de droite que de dire: « c’est la réalité, on ne peut rien y faire, il y a des pauvres, des riches, et du chômage ». Une telle réalité n’existe pas. La réalité, nous la fabriquons. Pose une bombe, et tu changes la réalité d’une société toute entière. Le théâtre doit pouvoir faire des trous, non pas dans le monde mais dans les représentations que nous nous en faisons. Bernard Noël nous dit que le réel est le monde transformé par notre présence en lui...

Est-ce une prise de conscience du spectateur que vous recherchez par cette illustration de la violence ?

Je ne sais pas si c’est une prise de conscience. Cette expression me donne l’impression d’être une sorte de manipulateur qui maîtrise à cent pour cent ce qu’il produit. Or, quand je monte un spectacle, je ne prévois ni ne sais ce qui va se passer dans la conscience des spectateurs. Les choses nous échappent, heureusement. Je dis régulièrement aux acteurs: « ayez le courage de laisser les choses vous échapper, ce n’est pas vous qui faites le spectacle, c’est le public le dernier metteur en scène ». Selon le public, le spectacle ne sera pas le même.

Une difficulté empêche toutefois de dire que le public fait complètement le spectacle. C’est la volonté que vous avez d’émanciper le spectateur, de lui proposer une posture ou une place qui lui impose d’inventer sa propre vision du monde, sa propre compréhension. 

Je ne veux pas émanciper les gens: ils s’émancipent d’eux-mêmes. Ce serait très prétentieux de vouloir émanciper les gens. Je ne sais pas le faire. Je propose des outils qui doivent potentiellement permettre l’émancipation, mais je me trompe peut-être. Il est fréquent que ces outils soient rejetés. Mais ce n’est pas grave: disons que si la personne a saisi quelque chose, tant mieux. Sinon tant pis. Si je voulais que tout le monde soit toujours d’accord avec mes pièces, je serais un despote ! Je pense que l’unanimité, c’est suspect. Si tu fais l’unanimité, c’est foutu.

L’unanimité, le consensus, c’est pour les monarchies ?

Exactement. Il y a des gens qui détestent mon travail. J’ai monté il y a deux ans un spectacle qui s’appelait Avant la tempête. C’était un spectacle sans concession. J’ai reçu de sévères critiques. C’était au plus proche de ce que je ferais si je ne me souciais pas du public. Je voulais faire quelque chose sans tenir compte du fait que je m’adressais à des gens. Il reste un des mes spectacles que j’aime le plus. Et puis je me suis rendu compte que si ce spectacle était détesté, ce n’était pas pour les bonnes raisons. Une fois de plus, c’est la question de l’enquêteur et des indices que tu poses et qui troublent ou non les gens. Mais si tu en enlèves quelques-uns et que tu fais le même spectacle, ils l'acceptent. Donc cela tient souvent à un cheveu.

La religion est très présente dans la pièce. Non seulement d’une manière auditive, par le prêche, mais aussi d’une manière visuelle, par le tableau du Christ. Contrairement au prêche, qui sert d'effet comique, ce tableau est traité beaucoup plus sérieusement: on l’offre, il sert à se cultiver, on le contemple. Pourquoi une telle ambiguïté ? La culture et la dérision vont-ils de pair?

Je l’espère. Il ne s’agit pas tant de religion que de spiritualité. L’art est une pratique spirituelle, il demande « pourquoi sommes-nous nés à notre insu? » et « quand va-t-on mourir? ». Puisque c’est une pratique spirituelle, parlons de ce dont on ne peut pas parler aux conseils des ministres comme la mort, et de toutes ces choses qui ne figureront jamais dans les programmes. Il s’agit de considérer ici l’héritage religieux comme du patrimoine, comme ce qui nous fait, comme les questions de langue, de corps, d’images... toujours avec une distance critique. Comme pour tout d’ailleurs. 

À travers ses personnages atypiques, la pièce pose la question de l’identité sexuelle. Pourquoi cette question est-elle soulevée ? Pourquoi ces personnages qui ne sont pas en phase avec leur individualité ? 

On a affaire à des gens hors des schémas sociaux. Donc des gens libres. Ils n’ont pas le parcours type du mariage, des enfants ou du couple. Pour notre société, ne pas être dans le schéma, c’est être un problème. Et précisément, le théâtre est l’endroit du problème. Les caractères étonnants des personnages résultent aussi de ma manière de travailler. « Soyez à un endroit qui vous permette de dérouler votre paysage » est l’expression deuleuzienne que j’ai utilisée pour m’adresser aux comédiens. Pour travailler l’idée de paysage, il faut pouvoir le « dérouler ». Si on est sur des caractères définis, avec des personnages aux déterminations psychologiques, on ne peut pas « dérouler ». Il faut que dans le corps, ils puissent autant interpréter une chanson que visser des boulons. Il faut essayer de trouver l’endroit qui va permettre à chaque interprète d’inventer, de se sentir libre. C'est pourquoi je préfère parler de figures plutôt que de personnages. La notion de figure permet de garder une distance et d’essaimer davantage d'indices. La figure renvoie pour moi aux grandes mythologies, aux archétypes. L'idée de figure, présence, silhouette, me donne l’impression que l’acteur a plus de possibilités pour faire surgir ce qui ne peut être dit ou être vu.

 Pour vous, l’une des potentialités de l’artiste est de permettre le surgissement de l’invisible ?

Le plateau, c’est le lieu des visions, du non-dit. Je pense que l’art a quelque chose à dire à l’endroit de l’ineffable et de l’irreprésentable. C’est paradoxal, puisque le lieu du théâtre est précisément le lieu de la parole et de la monstration. C’est cette perception de l’invisible qui m’intéresse. C’est aussi ce qui fait du théâtre le pied d’appel vers son propre dépassement: le lieu d’un après-l’esthétique, un poème que la pièce invite à composer et que chacun doit se raconter. À chaque spectateur son poème. En ce sens, le théâtre politique frontal, militant, ne m’intéresse pas, car il instrumentalise à mes yeux le théâtre au profit d’un discours politique. Le théâtre n’a de sens que si l’on peut trouver ou retrouver la politique après un certain passage par le poétique. Pour clarifier mon propos, j’emprunterais une définition du poétique à Christian Prigent: « le poétique est ce qui laisse des traces de l’irreprésentable ». Par conséquent, ce qui est politique, au bout du poétique, sont des choses apparemment assez anodines et qui n’ont pas le visage du politique, qui ne sont pas présentées comme étant politiques directement. Le Kabarê Solex en regorge. J’essaie de nommer les choses de façon complexe, littéralement « avec plusieurs plis », pour susciter des débats, des questions et du clivage.

Pensez-vous que le théâtre militant détruise le théâtre ? 

Oui, en un sens, parce que tout théâtre directement frontal est un théâtre explicatif. Cela revient à dire qu’on n’a pas besoin de théâtre. Si ce qu’on fait avec le théâtre peut se faire avec autre chose qu’avec le théâtre, le théâtre perd son sens. Ce qui est fait avec le théâtre ne doit pouvoir être fait qu’avec le théâtre. La destruction du théâtre par le théâtre ne passe pas par le théâtre directement, mais par la transformation, la corruption du théâtre devenu militantisme, ou à l’extrême inverse, industrie culturelle, divertissement, animation. Le théâtre que je propose n’est ni un théâtre de classes pour convertis, ni un objet de divertissement, ni un prêche, ni un cour magistral ou un programme. Un objet de consommation, tout comme un théâtre qui s’adresse à des convaincus, n’est pas un objet qui suscite du clivage, du débat, du questionnement, de l’incompréhension, de l’ambiguïté, de l’incohérence... Il nous englue dans le consensus. Le théâtre capable d’apporter une ambiguïté est « politique » - et non « militant » - au sens où il va faire en sorte que les gens ne soient pas d’accord avec lui, doublé du fait que chacun doive s’en emparer. Le théâtre ne devrait pas être l’endroit du consensus mais l’endroit où l’on va pour ne pas être d’accord.

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