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Du 20 au 28 novembre dernier, s’est déroulée, au cinéma Les Studios, la 5e édition de la Semaine du Film Britannique. Cet événement culturel désormais attendu du public brestois, mais pas seulement, est porté par une équipe dévouée et chaleureuse dont les pépites anglaises ont rompu la monotonie de novembre. 

Organisée par le Jumelage Brest-Plymouth, membre de l’Association Brestoise des Jumelages et de la Coopération Internationale, la Semaine du Film Britannique a mis en avant, cette année, une sélection de 15 longs métrages plutôt éclectique, dont quatre avant-premières. Parole est donnée à nos drôles de dames anglaises, Annick Mer, Annie Piron, Annie Tarsiguel et Marie-Thérèse Pigeon, de la commission cinéma du jumelage Brest-Plymouth.

Pouvez-vous nous dire quelques mots de l’Association du jumelage Brest-Plymouth et de la création de la Semaine du film britannique ?

Le jumelage Brest-Plymouth existe depuis cinquante-quatre ans. À l’occasion du cinquantième anniversaire de l’association de ce jumelage, un dynamisme s’est créé. Un certain nombre de personnes ont émis des propositions, des projets, afin de marquer cet anniversaire. Parmi les réalisations, l’impression d’une bande-dessinée, l’exposition de l’œuvre d’une artiste britannique, l’accueil de musiciens et de danseurs anglais, etc. Quant au projet cinématographique, l’idée première fut la projection de classiques, projet réorienté par Sébastien Le Goffe qui conseilla une programmation contemporaine. À l’issue d’une réunion du jumelage, l’idée d’un festival du film britannique était née.

Un mot sur la « Commission Cinéma » ?

Une fois actée la volonté de faire naître cet événement, et tous les membres du jumelage n’étant pas disponibles pour y collaborer, trois, quatre, puis une dizaine de cinéphiles se sont fédérés en commission. Face au premier succès, d’autres membres, ainsi que des gens de l’extérieur, se sont greffés à l’équipe en place. A contribué à cette séduction la convivialité du stand. Les gens étaient épatés que le thé soit servi toute la journée [un ginger cookie m’est d’ailleurs proposé et je savoure “a cup of tea”, ndlr] et ils avaient envie de venir nous aider – « qu’est-ce que cela a l’air sympathique » –, des personnes se sont inscrites au jumelage pour cela. La Commission Cinéma, pour le festival qui a lieu en novembre, se réunit dès les mois d’avril/mai à raison de plus d’une dizaine de réunions. Actuellement, elle regroupe une quinzaine de personnes. Tous les jours, durant la Semaine, elle assure une permanence dans le hall du cinéma de 14h à 22h. La tentation d’organiser d’autres événements ou d’allonger la Semaine de, déjà, neuf jours – souhait de Sébastien Le Goffe – est présente, mais nous résistons dans la mesure où cela nécessite beaucoup d’énergie. Il y a deux ans, nous avons néanmoins permis la projection, en avant-première, des Suffragettes et avons invité, à cette occasion, des associations féminines.

Pourquoi le choix du terme « Semaine » ?

Nous avons opté, à l’origine, pour le terme « Semaine » car celui de festival implique, généralement, la remise officielle de prix, en main propre, à un réalisateur, ce qui n’est pas notre cas, pour des questions de budgets notamment. Acquérir la dimension d’un festival nécessiterait le recrutement d’au moins une personne qui pourrait s’occuper de recevoir les membres du jury comme c’est le cas au Festival de Dinard, par exemple. De plus, nous tenons au terme de « Semaine », garant de notre modestie et, maintenant, de notre identité. Nous aurions désormais des difficultés à changer de dénomination, même si nous avons conscience que celle de « festival » serait plus aisément employable.

Vous affichez des liens étroits avec le Festival de Dinard, le logo apparaît d’ailleurs sur votre programme. Le directeur artistique, Monsieur Hindi, est venu en personne présenter un inédit, À l’heure des souvenirs (film réalisé par Ritesh Batra avec Jim Broadbent et Charlotte Rampling) dont il a fait un commentaire. Fanny Popieul, ajointe à la direction artistique dudit festival a fait le déplacement avec onze films courts dont les trois primés à Dinard (We Love Moses, The Driving Seat et The Party). Peut-on parler de partenariat ?

Il ne s’agit pas d’un partenariat officiel et nous ne jouons pas dans la même cour. Aucun partenariat n’est établi avec la ville de Dinard. Ce sont des contacts personnels. L’an dernier, lors du festival, j’ai [Annie Piron] rencontré le directeur et lui ai demandé si nous pouvions bénéficier de son aide. Il fut tout à fait d’accord et me communiqua les coordonnées de son assistante, Fanny Popieul. Le lien était noué. C’est un soutien, une caution, une aide précieuse pour l’obtention des films. Cette année, nous sommes honorés d’avoir accueilli Monsieur Hussam Hindi qui a présenté, en avant-première, l’un des films en compétition à Dinard 2017.

Comment faites-vous pour obtenir les films ?

Sébastien Le Goffe, qui connaît le système, se charge d’obtenir les films ayant déjà un distributeur. Pour ceux qui n’en ont pas encore – il faut, pour certains, parfois attendre une ou deux années –, Dinard nous délivre les contacts nécessaires. Ceux, notamment, des producteurs que nous pouvons, de fait, contacter directement. C’est facile et difficile à la fois. Malheureusement, nous n’avons pu obtenir tous les films que nous souhaitions, faute de distributeurs.

Vous avez égrené le nom de quelques célébrités incarnant tel ou tel personnage dans votre sélection de films. Certaines ont d’ailleurs assisté au festival de Dinard – Charlotte Rampling, Kristin Scott-Thomas. Alors justement – et ce serait la cerise sur le pudding –, à quand Kristin Scott-Thomas à la Semaine du Film britannique de Brest ?

Ce n’est pas de notre niveau. Le festival du film court a d’ailleurs renoncé à faire venir des célébrités pour des raisons budgétaires. Ils ont dû réduire la voilure. Il faudrait des acteurs amoureux de Brest. Nous pourrions éventuellement faire venir des réalisateurs. Le cinéma Eckmühl, à Penmarc’h, tente, pour son prochain temps fort de janvier dont l’orientation sera de nouveau britannique, d’inviter un grand réalisateur anglais, mais rien n’est fait. Nous pourrions toutefois essayer et peut-être aurions-nous de bonnes surprises. Nous allons travailler cela pour la prochaine Semaine ou pour les dix ans. Cela engendrerait néanmoins une surcharge de travail tant au niveau de la coordination que de la communication.

Pourquoi avoir choisi Les Studios comme terre d’accueil de votre Semaine ? Comment travaillez-vous ensemble ?

C’est le lieu à Brest. Dès qu’il y a quelque chose d’exceptionnel, c’est ici. C’est un cinéma d’Art et Essai et nous partageons une même conception et une même vision du septième art. Ajoutons que les gérants sont très accueillants, cela est très facile de travailler en leur compagnie. Nous pourrions rester là jour et nuit si nous le souhaitions. Il y a une bonne ambiance et le public que nous visons est le leur, des spectateurs curieux, ouverts, intéressés par la langue anglaise même s’ils ne la parlent pas forcément et qui n’ont que faire des blockbusters américains.

Cette 5e édition de l’événement, consacrée au cinéma britannique, présente une sélection de quinze longs-métrages, parmi lesquels quatre avant-premières, auxquels s’ajoutent quelques shortcuts. Comment choisissez-vous les films ? Établissez-vous des thématiques ? Les films proposés cette année semblent, en effet, très hétéroclites tant au niveau du genre – drame, comédie, biopic, documentaire, romance – que du thème – politique (The Party, Churchill), historique (Confident Royal), sentimental (Quelques mots d’amour), littéraire (Emily Dickinson) –, que de l’époque représentée. Pourquoi le choix d’une diversité et non celui d’une ligne de force ?

Nous n’établissons pas de thématiques a priori dans la mesure où nous sommes tributaires des sorties. Nous sommes très heureux de suivre les sorties mais l’établissement de notre programmation engendre de l’inquiétude dans la mesure où nous ignorons ce qui va paraître. Le programme définitif est le fruit de plusieurs propositions – environ quatre ou cinq – car nous n’avons pas pu obtenir, faute de distributeurs notamment, tous les films initialement retenus. La programmation a donc énormément évolué.
Fait du hasard, cette année, elle possède une tonalité politico-historique. À titre d’exemple, deux films de 2017 portent sur le thème de la décolonisation – Le Dernier Vice-Roi des Indes réalisé par Gurinder Chada et A United Kingdom d’Amma Asante – raison pour laquelle nous avons organisé une soirée consacrée à la décolonisation britannique, que Gareth Paisley, historien gallois, viendra animer. Cela s’est imposé naturellement à nous. Nous avions également pensé coupler Seule la terre de Francis Lee et The Levelling de Hope Dickson Leach, films consacrés, en partie mais pas seulement, à l’agriculture. Ce dernier a longtemps, et jusqu’à la fin, figuré sur notre liste mais, sans distributeur, ce ne fut évidemment pas possible.
Certaines réalisations sont également sélectionnées en fonction des partenariats scolaires établis avec nous [1]. Citons, à titre d’exemple, les films de Chaplin mis en musique, chaque année, par les élèves de La Pérouse-Kérichen. Citons encore Jig, documentaire musical, de Sue Bourne, proposé par Monsieur Hindi, qui permet l’organisation d’une soirée thématique sur la danse et l’exécution, par les collégiens d’Anna-Marly et les lycéens de La Pérouse-Kérichen, d’une chorégraphie déambulatoire. Chaque année, nous espérons donc une sortie d’un film en lien avec la danse, faute de quoi nous piochons dans le répertoire existant. Les cinéphiles de l’an passé se souviennent du choix de Billy Elliot de Stephen Daldry.
Nous aurions aimé, ainsi que le passé en témoigne, un film sur l’art puisque nous sommes amis des musées des Beaux-Arts. Nous avions songé et au long-métrage consacré à Giacometti mais, faute de distributeur…, et au film d’animation La Passion Van Gogh auquel nous avons renoncé, les amis du musée l’ayant déjà inscrit à leur programme. Questions de thématiques mises à part, nous misons, avant tout, sur la qualité des projections plus que sur leurs thèmes. Cette édition l’illustre et nous reconnaissons avoir eu de la chance.

La veine politique, assez marquée dans votre programmation, est-elle un écho à l’actualité politique du Royaume-Uni ? Une manière de résister au Brexit ? (The Party de Sally Potter a d’ailleurs été tourné en plein Brexit).

Nous assisterons, très probablement, ces prochaines années, à un fleurissement de productions consacrées au Brexit mais, à l’heure actuelle, c’est encore prématuré. Durant la préparation de la soirée consacrée à The Party, nous avons écouté une interview de Scott-Thomas qui confie être allée voter la bouche en cœur pendant la seconde semaine de tournage, certaine de demeurer Européenne. Le « Non » pesa sur l’équipe du film par la suite. Ils étaient « devastated » et perturbés. Il y aura de quoi dire dans les années à venir, les tribulations de Theresa May y aideront. Nous mettrons évidemment à l’affiche de tels films.

Le cinéma britannique a-t-il, selon vous, une spécificité dans l’histoire du cinéma ?

La question est pointue. Selon nous, le cinéma britannique représente l’humour, le trash, une manière particulière de filmer les problèmes sociaux – raison pour laquelle il est très apprécié en France –, il n’est qu’à citer Ken Loach. Le cinéma anglais, c’est aussi une technique cinématographique particulière : un appui franc sur les longs plans – le film 45 ans d’Andrew Haigh l’exemplifie –, la mise en relation des paysages avec l’histoire des personnages – nous renvoyons à Seule la terre où le paysage est très prégnant. Les personnages sont également filmés de près.

Vous avez dit, lors de la soirée d’inauguration, que chaque édition de la Semaine du film britannique avait son lot de coups de cœur. Puis-je demander à chacune d’entre vous quel est le sien et pourquoi ?

C’est difficile à dire.

Annie Piron : Seule la terre. C’est un mélange audacieux de violence et de poésie.

Annick Mer : j’ai aimé The Party, Confident royal, j’ai assez aimé My Cousin Rachel. J’ai beaucoup aimé Seule la terre, notamment la représentation du paysage, son âpreté qui correspond si bien à la violence interne du personnage.

Annie Tarsiguel : la manière de filmer est extraordinaire dans Seule la terre, plus que dans les autres films du programme. J’y apprécie également la richesse thématique. C’est un film vraiment complet, le jeu d’acteurs est remarquable.

Seule la terre pourrait être notre film phare.

Clap de fin, Happy End

Un mot clé de notre Semaine : la convivialité. Le plaisir d’être ensemble est roi. D’année en année, les amitiés se renforcent. Un grand plaisir, l’achalandage du stand, nous nous amusons, nous sommes vraiment british avec nos petits Christmas puddings, certains objets typiques – gift tags, money wallets – que nous rapportons de nos virées anglaises. Quand nous installons le stand, nous les regardons comme des enfants. Les crackers ont un succès fou. Nous aimons également servir le thé [je confirme, ndlr]. Et cette convivialité n’est sans doute pas étrangère au succès de notre Semaine. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 700 spectateurs la première année, 2800 l’an passé.

[1] La Semaine du film britannique est affaire d’équipes. Et pour preuve, cinq établissements scolaires y contribuent : la section musique du lycée La Pérouse-Kérichen, l’atelier cinéma du collège Camille-Vallaux, la classe de danse du collège Anna-Marly, les élèves de cinquième, quatrième et troisième du collège Kerhallet et les élèves de première du lycée Jules-Lesven. S’ajoutent à ces derniers les étudiants de la section Assistant de manager du lycée Sup’Javouhey ainsi que la Licence Arts de l’UBO.

* Maryse Gentil, membre actif de la commission cinéma, n’a malheureusement pu être présente à l’entretien.

About the Author

Doctorante en littérature française à l’Université de Brest, travaillant sur Samuel Beckett, Virginie est également passionnée par l’œuvre de Virginia Woolf, Marguerite Duras et Nathalie Sarraute. Elle porte de même un vif intérêt au cinéma et à la musique classique.

 

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