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Au premier coup d’œil, on pourrait lire, sur la pochette du CD, Champion Drake, comme un pseudonyme unique. Le Chant des pierres regroupe en réalité cinq morceaux enregistrés par Philippe Champion à la trompette et Hamid Drake à la batterie et au tambour sur cadre, dans le cadre du Dispositif Arch, qui permet à des musiciens du Finistère et du Midwest américain de se rencontrer.

L’esthétique des sons

Les premières notes révèlent que Philippe Champion est avant tout un esthète du son, des sons. Au fil des morceaux, la palette de la trompette s’enrichit, parfois un simple souffle, comme sur le titre bien nommé Breathing, puis les hauteurs perçantes et cristallines de lèvres plus serrées. Hamid Drake explore lui aussi les possibilités de sa batterie, les baguettes s’aventurent sur le cercle de sa caisse claire, il appuie sur la membrane des tomes pour obtenir différentes notes, il les effleure de la main.

Un duo sur le fil

Mais le son ne fait pas toute la musique. Sans le rythme, la mélodie, l’harmonie, l’oreille manque de soutien pour continuer. On sent une grande complicité entre les deux musiciens, mais c’est plus celle des amants que des époux, intense mais parfois maladroite. Les rencontres, puisque le disque est le résultat de trois enregistrements, donnent des morceaux souvent touchants, mais où manque parfois la familiarité qu’on retrouve dans les formations constituées. Le pari du duo trompette-percussion ne permet pas de tricher. Parfois, c’est magnifique, sur le fil, parfois, il faut bien reconnaître qu’on s’ennuie un peu. À force de ne pas faire de concessions, la musique est moins accessible. Ou plus exactement, plus tout à fait suffisante. Au risque de m’attirer les foudres des aficionados, j’ai écouté longuement Le Chant des pierres en voiture, et le défilement de la N165, des paysages d’ajoncs, puis l’apparition des schistes sur les talus de la N24 apportaient une contenance supplémentaire aux éthers musicaux d’Opening, le premier morceau de l’album.

Des échos de mystique amérindienne

La volonté rythmique s’affirme petit à petit, à partir du troisième titre Le Chant des pierres, sur lequel Hamid Drake utilise un tambour chamanique, une membrane tendue sur un cadre de bois. L’atmosphère devient alors amérindienne et le chant de Drake se charge de résonances sacrées. On se laisse prendre, mais jamais jusqu’à la transe. Les amateurs de cette veine apprécieront le dernier titre, Lullaby for Clémence. Mais on écoute les dernières notes sans avoir jamais vraiment ressenti l’envie d’onduler, ce balancement qui, à mes oreilles, fait, plus encore que l’improvisation, l’essence du jazz.

Voir aussi les chroniques consacrés à lAtlantique Jazz Festival

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